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France - 20 août 2015
Par Omar Barghouti
Dans un édito publié le 15 août (*), le directeur de «Libération» dénonçait la «modération trompeuse» de BDS. Le cofondateur du mouvement lui répond.
Pendant plusieurs années, Israël a vu le mouvement mondial Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens, lancé par la majorité absolue de la société civile palestinienne, comme une simple nuisance. C’est fini. A présent Israël considère le BDS comme une «menace stratégique», voire comme une «menace existentielle» pour tout son régime d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid et des dirigeants israéliens estiment que le mouvement parvient à un «point critique». Plusieurs facteurs peuvent expliquer sa peur hystérique du BDS alors qu’il a des centaines d’armes nucléaires et qu’il reste fortement protégé et soutenu par les gouvernements occidentaux.
Action BDS "Apartheid Sur Seine" - 13 Août 2015
Le fait que le BDS soit un mouvement des droits humains universels non-violent, rejetant toute forme de racisme dont l’antisémitisme et qu’il soit construit sur la déclaration universelle des droits de l’homme effraie Israël, car il neutralise son arsenal massif – militaire et de propagande – dans la bataille pour les cœurs et les esprits. Le BDS mène des campagnes efficaces pour l’isoler, comme l’Afrique du Sud pendant l’apartheid.
Un rapport du Conseil européen des relations internationales, recommandant que l’UE applique sa politique de «différenciation» entre Israël et le territoire occupé en stoppant ses opérations avec les banques israéliennes impliquées dans l’occupation, a causé une onde de choc en Israël, des banquiers mettant en garde contre un éventuel «tsunami économique». Pour aider les compagnies, les entrepreneurs israéliens ont mis en place une «hotline BDS». Avec l’arrivée du BDS comme sujet brûlant aux Etats-Unis dans les élections présidentielles et au Congrès, il est essentiel d’exposer les principes, les objectifs et les récents indicateurs d’impact du mouvement.
«DISCRIMINATION INSTITUTIONNALISÉE»
Celui-ci a été établi le 9 juillet 2005 avec le lancement de l’appel BDS par la plus vaste coalition de partis, de syndicats et de mouvements populaires palestiniens, en réponse à l’incapacité de l’ONU et des gouvernements à tenir Israël pour responsable de ses violations permanentes du droit international. Le BDS vise à appliquer trois droits élémentaires essentiels à l’autodétermination du peuple palestinien : la fin de l’occupation des terres arabes, dont Jérusalem-est, par Israël en 1967 ; la fin de ce que le département d’Etat des Etats-Unis qualifie de système de «discrimination institutionnalisée, juridique et sociétale» d’Israël contre ses citoyens palestiniens ; et reconnaître le droit des réfugiés stipulé par l’ONU à rentrer dans les foyers d’où ils ont été chassés lors de la Nakba de 1948 et ensuite. Ces droits élémentaires sont ceux des composantes du peuple palestinien : de la bande de Gaza et de Cisjordanie dont Jérusalem-est (38% du peuple palestinien, d’après les statistiques de 2014) ; citoyens d’Israël (12%) et exilés (50%).
Quiconque veut saper le droit des réfugiés palestiniens – comme de tous les autres réfugiés du monde – à revenir dans leurs foyers d’origine, pour perdurer le système d’exclusion raciale et démographique d’Israël, ne s’intéresse manifestement pas à l’égalité des droits pour tous les humains. L’apport principal du BDS a peut-être été de remettre en avant les droits de tous les Palestiniens, après plus de deux décennies du «processus de paix» frauduleux d’Oslo qui a affaibli ces droits et a servi de feuille de vigne pour l’expansion et l’enracinement du régime colonial d’Israël. Si Israël se qualifiait d’État chrétien, islamique ou hindouiste, le BDS continuerait à agir pour l’isoler sur les plans académiques, culturels, économiques et militaires pour la réalisation de nos droits inaliénables.
Tandis que les supporteurs israéliens juifs du BDS jouent un rôle significatif en promouvant l’isolement d’Israël, la part des militants juifs est proportionnellement haute dans le mouvement BDS mondial, particulièrement aux Etats-Unis. Ce fait, qui a alarmé l’ancien chef du Mossad Shabtai Shavit, fait voler en éclats les tentatives d’Israël de parler au nom de toutes les communautés juives.
APARTHEID
L’élection du gouvernement le plus extrémiste de l’histoire d’Israël et sa mise à l’écart de toute prétention démocratique accélèrent la croissance mondiale déjà vigoureuse du BDS. L’accusation de racisme contre le BDS par Israël est plus qu’une mauvaise plaisanterie ; elle ressemble à celle du régime d’apartheid sud-africain accusant de racisme Monseigneur Desmond Tutu. L’investissement direct étranger en Israël a chuté de 46% en 2014 par rapport à  2013, en partie à cause du BDS. La Rand Corporation prédit que le BDS pourrait coûter à Israël 1 à 2% de son PIB au cours des dix prochaines années (28 à 56 milliards de dollars).
De grandes obédiences religieuses des Etats-Unis, des fonds de pension, des banques européennes et des syndicats du monde entier ont désinvesti des compagnies qui profitent de l’occupation israélienne. Des associations universitaires des Etats-Unis et les directions étudiantes de nombreux campus occidentaux ont soutenu les mesures du BDS.
D’après un sondage de la BBC, ces dernières années, Israël a été en compétition avec la Corée du Nord pour l’impopularité, y compris parmi les Français. Même aux Etats-Unis, le paysage change spectaculairement. Israël voit une érosion régulière de popularité parmi les minorités, femmes et jeunes Américains, Juifs inclus. Dans une enquête récemment publiée, 47% de «l’élite d’opinion» la plus éduquée et influente du parti démocrate considère Israël comme «raciste» et, après avoir été informée sur le BDS, 31% le soutiennent.
Le combat d’Israël contre le BDS est difficile. Ivre de pouvoir et d’immunité, Israël tente avec arrogance de délégitimer le boycott – tactique non-violente et consacrée de résistance à l’injustice – et par conséquent de supprimer la libre expression. En s’alliant de plus en plus aux forces d’extrême droite et antidémocratiques, Israël s’aliène consécutivement le grand courant progressiste et les futurs dirigeants occidentaux, comme l’en avertit Shabtai Shavit. Le moment sud-africain d’Israël est peut-être pour bientôt.
Omar Barghouti
Cofondateur du mouvement BDS
(*) "BDS, dessous d'un boycott", Laurent Joffrin, Libération, 14 août 20158.
Source : Libération
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