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Naplouse - 30 septembre 2007
Par Gideon Levy
C'est un immeuble dont personne n'a jamais entendu parler. Pas de style architectural international, pas de style du tout, juste un immeuble.
Cinq étages, 11 familles, nouveau carrelage dans l'une des salles de bains. Situé sur le flanc d'un coteau, l'immeuble surplombe la ville en-dessous.
Surplombe ? Surplombait.
Photo ISM : L'immeuble de la famille Mabrouk démoli dans le camp de réfugiés d'Ein Beit Ilma à Naplouse
Beaucoup d'autres bâtiments l'entourent. Construites en masse, les maisons se touchent presque les unes aux autres. Une ruelle étroite, de la largeur d'une personne, sépare les bâtiments. Tous les habitants de l'immeuble sont des membres de la même famille : les parents, les enfants et même des cousins. Ils ont construit un étage au-dessus de l'autre, et vivent à l'etroit. Vivent ? Vivaient
Jeudi dernier, le bulldozer est arrivé. Comment le bulldozer est-il arrivé jusqu'à une maison au bout de l'allée étroite ? Tout le long du chemin, comme ils disent, le bulldozer s'est frayé un chemin de destruction, endommageant toutes les maisons sur sa route.
Ici, il a démoli une barrière en pierre, là, il a fendu un mur. Quelle différence cela fait-il ?
Certaines des maisons sont maintenant devenues dangereuses pour y vivre, leurs murs fissurés menaçant de s'effondrer. Le bulldozer a finalement atteint sa destination et a commencé à raser le bâtiment.
Les cinq étages se sont effondrés comme un château de cartes, provoquant un nuage énorme de poussière, enterrant tout à l'intérieur de l'immeuble : ustensiles de cuisine, meubles, jouets, appareils électroniques et souvenirs. Rien n'est resté ; tout a été enterré.
La semaine dernière, j'ai vu deux enfants essayer de sauver quelque chose : des nouvelles bicyclettes achetées pendant l'année scolaire. Les murs démolis avec des tiges de fer qui dépassent ont recouvert les vélos rouges que les enfants cherchaient à extraire. Pour finir, ils les ont découverts : pliés, écrasés.
La peine se lisait sur les visages des enfants, une fillette et un garçon, de 9 ou 10 ans. Rien n'est resté de leur maison. Juste une rangée de vêtements d'enfants flottaient dans le vent, accrochés à un fil qui descendait des restes du toit.
Les restes d'un escalier étaient suspendus dans le ciel sur des tiges de fer, menant nulle part, menaçant à tout moment de s'écraser sur nos têtes et sur les têtes des enfants qui fouillaient.
C'est là que vit la famille Mabruk, malheureusement. Le père, Ali, ses fils et ses filles.
Il y a environ trois semaines, les Forces d'Occupation Israélienne ont tué son fils, Nasser ; son autre fils, Majid, est toujours recherché par Israël. Une famille de combattants, actifs au Front Populaire pour la Libération de la Palestine.
Un drapeau rouge géant du Front Populaire est maintenant planté au milieu des ruines de la maison, pour protester contre le monde qui n'a montré aucun intérêt pour eux.
Pas loin de là, au bout d'une rangée des maisons, le soldat Ben Zion Henman a été tué dans une fusillade qui a éclaté ici il y a environ 10 jours.
A l'intérieur du camp, Mohamed Khaled, 17 ans, et Adib Salim, 38 ans, ont été tués. Adib, vendeur de tirmis (lupins), était paralysé du côté droit. Il est tombé, en sang, sous une affiche en mémoire de son frère, Jamal, un activiste du Hamas qui a été liquidé ici par un missile en 2001.
Les FOI affirment que le paralysé Adib était armé. Dans leur réponse, les FOI soulignent comme preuve que son frère était un terroriste.
C'était une opération réussie : Les FOI ont empêché une horrible attaque-suicide. Certains des organisateurs de cette attaque étaient ici, dans les allées du camp d'Ein Beit Ilma, situé à la limite ouest de Naplouse.
Personne ne peuvent contester la nécessité d'effectuer une opération comme celle-ci, qui a empêché de tuer. Le fait que seulement deux Palestiniens ont été tués pendant les trois jours de l'opération sans nom - cette fois, les FOI n'ont pas suivi leur habitude d'affecter à l'opération l'un des noms enfantins qu'elles affectionnent – atteste des précautions prises par les soldats.
A la lumière de ces faits, on est encore plus en droit de se demander :
Pourquoi l'immeuble ?
Pourquoi était-il nécessaire de détruire les vies de 11 familles ?
Comment cela contribue-t'il à la sécurité d'Israël, même si les FOI qualifient le bâtiment de "poste de combat" ?
Quand serons-nous enfin sevrés de ces moyens inutiles et criminels de destruction de maisons de personnes innocentes ?
Est-ce que le fait que le commandant du Front Populaire du camp vive dans cette maison justifie la démolition d'un bâtiment entier de cinq étages ?
Quand est-ce que les FOI apprendront que les prochains terroristes surgiront de ces ruines ?
Le désir de vengeance ne s'est-il pas éveillé dans le coeur de l'enfant qui recherchait sa bicyclette parmi les ruines de sa maison, qui a vu son monde détruit ?
Toute personne qui souhaite se tenir au courant de la véritable "infrastructure du terrorisme" est invitée à venir à Naplouse, pour voir les ruines de la maison à l'entrée du camp d'Ein Beit Ilma.
A lire également le reportage : "4 jours dans le camp de réfugiés d'Al-Ayn à Naplouse pendant l'attaque de l'armée israélienne"
Source : http://www.haaretz.com/
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Démolitions de maisons
Gideon Levy
30 septembre 2007