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France - 11 juin 2015
Par Sarah Katz
Sarah Katz est membre de l'ISM et de l'UJFP. Elle a fait, depuis 2010, de longs séjours dans la Bande de Gaza.
Le robot-cop, tout de noir vêtu - seule différence visible avec ses frères en vert qui me braquait en me traitant de pute à travers la dite "barrière de sécurité" qui enserre Gaza (1) - qui me plaque brutalement contre le mur de la chambre, le pistolet à quelques centimètres de ma tête, tremble nerveusement.
Il me faut quelques instants - plus qu'inconfortables - pour me convaincre que le groupe de clones, la moitié portant cagoule, qui envahissent l'appartement sont bien "la police". Devant ces robots apeurés, étiquetés dans le dos "RAID" sur leur lourds gilets pare-balles, visiblement éberlués que ce soit ma seule interrogation ("non ! vous êtes bien la police ?"), je me mets en devoir de faire descendre la pression. Incontestablement je calme les deux qui me retiennent dans la chambre. Sans me figurer que pendant ce temps, leurs petits frères brutalisent Pierre.
Plus réactif que moi - nous sommes en pleine nuit, profondément endormis -, Pierre est sorti immédiatement en entendant son nom crié dans la cour. Le groupe du RAID se retrouve devant un grand danger : un retraité en slip qui ouvre spontanément sa porte devant le boucan. Ils le jettent courageusement à terre, l'insultent, parviennent à le menotter.
L'unité d'élite française de la lutte anti-terroriste est diligentée suite à l'appel d'un certain Pierre Stambul, qui explique avoir tué sa compagne, être armé, et prêt à tirer sur tout ce qui se présentera. Problème bien sûr, sauf que probablement ne relevant pas du RAID. Et surtout sauf que ce n'est que la quatrième fois en deux mois que la "procédure" est utilisée, à l'identique. En particulier contre l'un des co-présidents de l'Union Juive Française pour la Paix. Et que Pierre Stambul est l'autre co-président. Aucune vérification, aucun recoupement, même "réponse" : quartier bouclé, portes d'accès enfoncées, et dans le cas de Pierre, un premier appartement forcé par erreur.
L'auteur du détournement de lignes téléphoniques qui permet ce genre d'attaque est connu : Gregory Chelli, alias Ulcan, hacker qui depuis Israël mène un lutte acharnée contre toute expression de défense des droits du peuple palestinien. Et qui est particulièrement enragé contre la composante juive du mouvement de solidarité pro-palestinien, ces traitres, parmi lesquels l'"immonde Stambul", comme l'écrit la LDJ, en appelant à casser la conférence que Pierre devait tenir à Toulouse le soir de l'attaque du RAID - bizarre coïncidence, non ?
La conférence s'est tenue, quelques 300 personnes, ambiance chaleureuse et enthousiaste, même pas dérangée par la poignée (j'ai compté 12 personnes) qui représentaient les forces de la LDJ sensées venir de toute la France. Trois cents personnes venues écouter un point de vue juif sur le sionisme, applaudissant à tout rompre les appels de l'orateur à développer la lutte et en particulier renforcer la campagne BDS.
Deux interrogations de fond émergent en pleine lumière à la lumière de cette attaque du RAID :
- Comment opèrent les forces de police ?
Que le RAID soit brutal quand il pense être face à un forcené, on peut s'y attendre. Qu'il garde menotté et insulté la personne en question pendant une heure, quand il s'avère en quelques secondes que l'appel est un faux, c'est plus étrange. Quand la police nationale s'empresse ensuite à mettre à l'isolement cette même personne et le garde ainsi pendant sept heures, cela devient plus clair : un militant pour les droits du peuple palestinien ne peut qu'être suspect...
- D'où la deuxième question : par qui sont dirigés les forces de police ?
Tout est inquiétant : pourquoi le RAID, qui n'est déplacé à l'évidence que par un commandement très haut placé ? Pourquoi la recherche de "cache d'armes", s'il s'agit d'une histoire d'appel bidon ? Pourquoi Ulkan, dont les appels sont déjà responsables de la mort d'une personne (le père d'un journaliste de rue 89), n'est l'objet d'aucun contrôle ? Pourquoi la police nationale, quand le prétexte de l'intervention du RAID est dégonflé depuis des heures, traite la victime comme un criminel ?
Nous interpelons Cazeneuve. Nous vous tiendrons au courant.
La vraie raison de cette hystérie, c'est l'inquiétude montante des sionistes de tout poil devant la montée du boycott. Alors plus que jamais, boycott !
Sarah Katz, 11 juin 2015
(1) Lire son article : "Vivre sous les bombes à Gaza", Blog du Monde Diplomatique, 16 novembre 2012.
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