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Gaza - 17 mai 2008
Par Dr. Kamil el Shami
Par une chaude matinée, dans la Bande de Gaza, alors que j'étais en train de donner une conférence à l'université sur les activités agricoles, j'ai été assailli par les souvenirs.
Il y a quelques années, je travaillais comme professeur à l'université de Sebha en Libye et je me suis rappelé les années difficiles passées dans cette ville assiégée par d'immenses mers de sable.
Je me suis souvenu des difficultés rencontrées pour obtenir une bouteille de gaz dont j'avais besoin. C'était une journée chaude et le vent de sable soufflait.
Au bout de deux heures, je n'étais qu'à la moitié de la queue et cette démarche se répétait presque tous les jours.
Il faut avoir une grande force et une patience infinie pour vivre dans le désert. C'est la leçon que j'ai apprise du peuple libyen que je respecte.
Hier ressemble à aujourd'hui, le siège est le même, la souffrance est la même. Les noms et les lieux peuvent être différents mais, après ma conférence, j'ai été obligé de faire la queue afin d'avoir un peu de diesel pour ma voiture, tout comme en Libye autrefois.
Ensuite, bien que j'eus faim, j'ai décidé de faire une petite promenade avant de rentrer prendre le déjeuner chez moi. J'ai pris la direction de la banlieue Ouest.
Après quelques minutes, je me suis retrouvé sur la route de Soi. C'était la route qu'empruntaient les Nomades et qui reliait l'Egypte à la Syrie. Le mauvais entretien de cette route saute aux yeux, une grande partie n'est pas pavée, elle est à l'abandon. Comme de nombreuses autres routes détruites par le siège imposé.
De pauvres maisons rurales, entourées de petits champs, bordent cette route. Je me suis arrêté devant des charrettes et quelques petits troupeaux de brebis .
Je voulais jeter un coup d'oeil sur leur faiblesse et sur leur maigreur à cause du manque de pâturages, ravagés par l'occupation et à cause du manque de fourrage découlant du siège.
Soudain, j'ai entendu deux hélicoptères. Je suis descendu de voiture, comme toujours dans ces cas-là. Peu après, j'ai entendu deux bombardements successifs.
J'ai reçu un appel de ma femme, folle d'inquiétude comme à chaque bombardement. Puis un de mon fils Ashraf de son portable. Il avait été très effrayé. Il se trouvait dans un taxi avec d'autres personnes, sur le chemin de son université de technologie, à 50 mètres environ de la voiture bombardée.
Sur le chemin du retour, je voyais les gens s'asseyant dans les rues. Je m'imagine que toute la Bande de Gaza passe son temps dans les rues à cause du chômage.
Les gens n'ont rien d'autre à faire que d'attendre les bons d'aide distribués par les associations, des partis palestiniens aux organisations internationales .... la queue était toujours là. En fait, le pétrole disponible dans la Bande de Gaza, ne couvre que 10% des besoins.
La situation n'était pas meilleure devant les boulangeries. Elles ne sont pas nombreuses à ouvrir dans ces conditions. Tout le monde veut s'assurer la quantité de pain minimum nécessaire à la survie et on doit attendre des heures et des heures pour enfin l'avoir.
Je me suis dirigé vers la banque pour retirer une somme d'argent afin de l'avoir sous la main en cas d'invasion. Quelle surprise de trouver la porte fermée !
Une affiche annonçait que la banque n'ouvrait que deux heures par jour en raison des coupures de courant et du manque de diesel nécessaire à
l'utilisation du générateur et en raison du manque de monnaie liquide.
Une journée difficile sur tous les plans.
Avant de rentrer, je me suis rappelé que je devais acheter le médicament de ma vieille mère qui souffre d'hypertension. Mais le pharmacien, bien qu'il soit un ami, n'a pas pu satisfaire entièrement ma demande. Vu la pénurie de médicaments, il n'a pu me donner que la moitié de la dose prescrite.
Puis je suis arrivé dans ma rue, quasiment bloquée par une tente plantée pour les obsèques d'une vieille femme. C'était une voisine. J'ai pris place parmi les consolateurs, Ils parlaient des problèmes actuels, des marchandises, des denrées, des matériaux de construction importés lors de l'invasion des Gazawis dans les territoires égyptiens et qui touchent à leur fin. Heureusement qu'il y aura encore assez de ciment pour enterrer cette vieille femme.
Le soir, j'ai essayé de suivre les infos sur l'une des chaînes mais c'était impossible. Les drones, ces avions sans pilote, perturbaient la réception. Les Gazawis les appellent ZANANA par rapport à leur bourdonnement.
J'ai été contraint d'écouter les infos à la radio. Un journaliste a éveillé mon attention en annonçant que le responsable des relations publiques, le responsable du comité quaternaire ainsi qu'un ex-chef d'état européen allaient se rendre en Egypte afin de discuter de l'ouverture permanente du passage de Rafah et de l'allègement du siège.
Je me suis souvenu de Juha, un personnage des légendes arabes qui, après avoir entendu dire que sa belle-mère l'aimait avait répondu que, certainement, elle avait perdu la tête.
Ici, les gens ne font pas confiance à ce qu'ils entendent dans les medias. En effet, des responsables européens sont déjà venus dans la région mais rien n'a changé. Comme si la Bande de Gaza était un grand pays qui devait être puni.
Comme d'habitude, toute la famille s'est réunie pour discuter de l'actualité. Une phrase de ma fille Esmeralda qui est en huitième, m'a laissé bouche bée : "Je souhaite me réveiller un jour sans connaître personne et que personne ne me connaisse"
Je suis étonné de constater que même les enfants savent très bien ce qui se passe autour d'eux et qu'ils ressentent profondément la catastrophe dûe au siège.
Sans savoir, dans le silence des frères et des étrangers, quand prendra fin cette détresse.
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